Par Corentin Barsacq

Natif de Lugos, François Campet était fonctionnaire de police à Arcachon lorsqu’en 1944, il fut déporté à bord du funeste train fantôme des nazis.
En ce 8 mai, sous la gerbe de fleurs déposée par la municipalité de Lugos et les autorités militaires présentes pour l’occasion, les noms des Morts pour la France et des déportés à Lugos seront une nouvelle fois honorés. On y trouve notamment la famille Reinisch, assassinée dans les camps d’Auschwitz-Birkenau. Mais le nom de François Campet n’y figure pas. Alors il y a bien des années, en 2009, le blogueur lugosien Christian Valin l’avait affectueusement nommé « le héros oublié ». François Campet en avait l’étoffe et sa trajectoire fatale renforce le récit d’une vie un temps oubliée, mais heureusement préservée. On doit les quelques informations autour de son vécu à Christian Valin, et son travail de correspondant local émérite mené jusqu’à son départ de la région il y a quelques années, et à la Société historique et archéologique d’Arcachon.
François Campet est né dans le quartier de Courlouze à Lugos, le 13 décembre 1895. D’après le témoignage laissé par l’ancien résistant et maire de Lugos Jean-Paul Salefran, le chef de famille concassait du charbon de bois afin d’alimenter les gazogènes utilisés durant la Première Guerre mondiale. Peu d’éléments peuvent toutefois étayer l’enfance de François Campet. On sait qu’il a vécu dans le quartier du Bourdieu, avant de consacrer sa vie à l’Ordre.
Résistant de la première heure
En 1919, la guerre terminée, François Campet scelle son union avec Thérèse Lesgouares. Le mariage se tiendra à Saugnac-et-Muret, où l’on suppose que le couple s’était établi. Par la suite, François Campet intégrera la police d’Arcachon. À l’arrivée des Allemands en Gironde, le fonctionnaire de police refuse de pactiser avec l’occupant.
Tout comme son jeune fils Christian, futur inspecteur général de police, François Campet intègre le réseau de résistants Denis et Aristide Buckmaster, déployé en Aquitaine sous la houlette de l’homme d’affaires et chef britannique Maurice Buckmaster. En réalité, le groupe d’Arcachon avait fonctionné dès 1942 avant d’intégrer ce plus vaste réseau où Christian Campet, surnommé « Lancelot » occupera d’importantes fonctions à l’échelle girondine tout au long de l’Occupation. On ne sait guère plus de choses à l’égard de son père, actif dans le réseau mais devant aussi obéir à ses fonctions de police.

En 1944, les Allemands perdent du terrain et doivent concentrer leurs forces vers les plages de Bretagne et de Normandie. Dans les terres comme sur la côte, les sabotages se multiplient pour ralentir l’acheminement des troupes allemandes. Face au recul de l’Occupant, la résistance girondine, quoi que durement affectée par la trahison du chef de l’OCM André Grandclément, gagne ses premières batailles. Mais la Gestapo veille toujours.
Au cours de cette même année, quelques mois avant la libération d’Arcachon, les activités clandestines de François Campet arrivent aux oreilles du commissaire Poinsot. La Gestapo arrête le fonctionnaire de police pour faits de résistance. L’Arcachonnais d’adoption est interné au Fort du Ha.
Le 3 juillet 1944, alors que les grandes villes de France se libèrent une à une, un train de déporté part de la gare de Toulouse en direction de Bordeaux. Au soir de cette journée, il arrive en gare Saint-Jean à Bordeaux. À bord, plus de 550 résistants français et espagnols s’entassent dans les wagons à bestiaux. Au regard de l’avancée des Alliés, le train, qui doit se rendre au camp de concentration de Dachau, connaît de multiples péripéties et bouleverse à plusieurs reprises son itinéraire pour passer inaperçu dans une France qui se libère.
Un train passé inaperçu
En Charente, le train est la cible d’un bombardement des Anglais et les sabotages effectués par la Résistance forcent les Allemands à rebrousser chemin et à revenir en gare de Bordeaux. Après plusieurs jours enfermés dans les wagons immobilisés, les résistants sont conduits dans la synagogue de Bordeaux tandis que les femmes sont emmenées dans la Caserne Boudet. Le 9 août, un mois après son retour en Gironde, le train reprend les voies en direction du Sud-Est. C’est à ce moment-là que des prisonniers du Fort du Hâ intègrent le convoi. François Campet en fera partie.
Ainsi démarre un véritable voyage en enfer à travers la France. Le train fantôme des nazis semble inarrêtable malgré les multiples embûches. Le convoi de déportés changera plusieurs fois de locomotives dans des conditions inhumaines. À l’aide d’un clou, certains résistants parviennent à créer des ouvertures sous les planches des wagons. Les plus chanceux parviennent à s’évader, de nuit, lorsque le train roule à faibles allures, les plus malheureuses finissent broyer sous les roues.

Le 28 août, après être passé par les gares de Nîmes, Valence, Lyon, Nancy, puis Sarrebrück, le train fantôme s’immobilise enfin au camp de Dachau. Ce trajet qui ne devait durer que quelques jours, s’étendra finalement du 3 juillet au 28 août, échappant aux bombardements, fusillades et diverses actions des résistants. François Campet mourra en déportation le 25 février 1945 à Melk, en Autriche, à l’âge de 50 ans.
À titre posthume, il sera nommé chevalier de la Légion d'honneur en mars 1957 et recevra la médaille de la Résistance. Son nom figure sur le monument aux morts d'Arcachon et une rue porte également son nom dans la ville balnéaire. Des années plus tard, plusieurs témoignages de survivants évoquaient cette « Marseillaise » entonnée en cœur par les déportés, lorsqu’ils devaient marcher le long des voies sabotées. Nul doute que François Campet devait lui aussi fièrement chanter l’hymne d’une France Libre, celle qu’il a choisie.
Sources :
- Blog "AquiLugos" par Christian Valin
- Société historique et archéologique d'Arcachon, numéro 84, "Arcachon et le bassin sous l'Occupation"
- Sud Ouest « L’incroyable histoire du « train fantôme« train fantôme » qui a mis deux mois pour parvenir à Dachau, il y a 80 ans.