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Val de l'Eyre : à Belin-Béliet, la mystérieuse légende de la sorcière habitée par le diable

Par Corentin Barsacq

Paul, l'oncle d'Eliette, habitait au pont du passage. Il a été témoin de la sorcière de Belin-Béliet./Photo archives LB
Paul, l'oncle d'Eliette, habitait au pont du passage. Il a été témoin de la sorcière de Belin-Béliet./Photo archives LB

Elle est une légende héritée des écrits de la poétesse Eliette Dupouy. La conteuse des Landes de Gascogne l'avait transmise dans ses cahiers où elle faisait état d'une prétendue sorcière qui habitait Belin et dont le corps était habité par le diable. Le genre de récit à lire un soir d'Halloween... 

Qu'on se le dise d'emblée. Si aucun média en ligne ne se risque à relater ce type de récit dans un registre parfaitement sérieux, Le Belinétois aime particulièrement honorer les écrits des anciens. La démarche entreprise ici vise à retranscrire ces légendes gasconnes transmises d’une génération à l’autre avant de se perdre dans les méandres de ce que l’on considère comme le folklore. Un terme bien générique se heurtant au pragmatisme du XXIe siècle et qui ne laisse finalement que trop peu de places à ces vieilles histoires dont l’importance est pourtant reconnue.

 

Les sorcières font partie de cet univers que l’on penserait aujourd’hui parallèle. Des femmes à qui l’on a prêté des pouvoirs transmis par le diable en personne et qui feront d’ailleurs l’objet d’une conférence organisée le samedi 4 novembre à Pissos. Parmi les centaines de récits écrits par la conteuse de Béliet Eliette Dupouy, celui de « la sourcièra » est à lire à la nuit tombée, à la seule lueur d’une bougie pour rester fidèle à l’esprit d’une veille de la Toussaint.

 

Un éclat de rire avant de disparaître

 

Ainsi, la plume de la poétesse emmène son lecteur dans les propos de son oncle Paul, habitant au pont du passage à Belin. Au temps où les sabots des jeunes enfants claquaient sur les pavés afin de se rendre à l’école, Paul, livre, plumier en bois et cahiers sous le bras devait traverser le pont au milieu des prés en contrebas du foyer. « C’était un mauvais endroit pour nous, parce qu’elle était souvent là, la « sorcière » comme nous l’appelions » écrit Eliette.

 

La sorcière était souvent aperçue en train de ramasser du bois de vergne, des brindilles aux abords des prés. « Elle nous appelait. Au début, nous l’écoutions, nous étions cloués sur place, au milieu du pont. La sueur coulait à notre front, les jambes ne voulaient plus nous porter. Alors contente, elle disparaissait dans un éclat de rire diabolique, nous laissant là, sans force, fatigués pour la journée, nous ne pouvions plus parler » poursuit la conteuse.

 

D’après les propos de son oncle, Eliette décrit aussi la présence d’un homme en lieu et place de la sorcière. Les enfants de l’époque, apeurés par ces rires démoniaques, se tournèrent vers leurs parents : « Ils nous dirent de ne pas nous arrêter, c’est une sorcière, une personne possédée du diable. Elle a besoin de faire du mal ».

 

« Un mauvais esprit, une âme en peine »

 

Face au récit mystérieux d’une jeunesse faisant face bien souvent à la sorcière, un remède pour le moins singulier fut préconisé : Mettre sa chemise et ses chaussettes à l’envers. L’oncle Paul expliquait qu’en faisant cela, ses amis et lui ne voyaient plus la vieille dame.

 

Surtout, l’alerte fut donnée auprès du curé de Béliet, lors du catéchisme. « Il nous dit que c’était un mauvais esprit, une âme en peine. Qu’il fallait prier pour elle, que le diable était dans son corps et son âme et qu’elle devait en souffrir elle-même ». Alors le prêtre, prenant ces paroles très au sérieux, demanda aux enfants de faire le signe de la croix dès lors qu’ils croiseraient la sorcière, et de demander leur protection à Notre-Dame. Une messe fut d’ailleurs célébrée à cette intention le dimanche suivant.

 

La suite de l’histoire est racontée par la plume d’Eliette : « Lorsque nous l’avons revue (la sorcière), nous nous sommes signés, comme nous l’avait recommandé le curé. Alors nous l’avons entendue gémir, comme pleurer et plaindre. Le mal qu’elle voulait faire se retournait contre elle. Nous avons pris nos jambes à notre cou et nous nous sommes échappés vers l’école. Jamais depuis ce jour, nous ne l’avons revue. Personne n’en parla plus jamais, elle avait disparu ».

 

Telle est donc la conclusion d’une légende du coin « sauvée » par la plume d’Eliette Dupouy. Une histoire dont il appartient à chacun de croire, mais qui reste néanmoins comme une parfaite illustration de ces contes gascons que l’on aime raconter à la nuit tombée, pour effrayer les uns, ou renforcer les croyances des autres.