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Val de l'Eyre : le ruisseau du Gât Mort, une dernière demeure pour les condamnés à mort ?

Par Corentin Barsacq

Le ruisseau prend sa source dans le marais de Cla, aux lagunes du Gât Mort./Photo Département de la Gironde
Le ruisseau prend sa source dans le marais de Cla, aux lagunes du Gât Mort./Photo Département de la Gironde

Prenant sa source dans les marais d'Hostens, le ruisseau du Gât Mort a longtemps suscité la curiosité autour de son appellation. Mais pour le prêtre historien Jacques Baurein, son nom était une référence au supplice réservé aux condamnés à mort, noyés dans une cage, par les eaux qui se jettent dans la Garonne. 

Mine de rien, Saint-Magne n'est qu'à quelques pas de la Garonne. C'est ce que l'on se dit lorsque l'on suit le ruisseau du Gât Mort, qui traverse la commune après avoir pris sa source à Hostens, dans le marais du Cla. Long de 37 kilomètres, il a donné son nom aux nombreuses lagunes situées dans le triangle formé par Saint-Magne, Hostens et Louchats. Le Gât Mort reste surtout un énigmatique ruisseau traversant huit communes pour ensuite se jeter dans la Garonne à Beautiran. 

 

À quoi est donc lié ce nom de "Gât Mort" ? À la mort dramatique d'un chat ? Cela a été un temps une hypothèse, lorsque la pensée populaire voulait qu'il soit associé à la peste noire qui sévissait au XIVe siècle. L'Homme aurait alors noyé de multiples chats dans ces eaux pour éradiquer ce mal. Mais rien de cela ne se rapproche de la vérité. 

 

Le supplice de la cale

 

En réalité, les historiens qui se sont penchés sur le Gât Mort trouvent dans le récit de l'abbé Jacques Baurein l'hypothèse la plus probable. Le Gât Mort serait un dérivé de "Calemort" dont la signification est bien différente mais aussi bien plus sombre puisque c'est le nom donné à un supplice réservé aux condamnés à mort. Dans son ouvrage "Variétés Bordeloises" publié en 1876, l'homme d'église, historien-géographe reconnu, développe son point de vue : " Il y a lieu de penser que ce ruisseau est le même que celui de Calemort, dont il est fait mention dans les rôles gascons de l'an 1342". 

 

Ainsi, du temps du seigneur de Saint-Magne Bernard d'Escossan, on pratiquait le supplice de la cale, qui consistait à l'enfermement d'un criminel dans une cage avant de l'immerger dans le Gât Mort jusqu'à ce que mort s'ensuive. Une variante de ce châtiment était également réservée aux femmes infidèles, qui, vouées à être humiliées en place publique, étaient plongées dans ces eaux, nues et enfermées dans cette même cage, sans toutefois y trouver la mort. 

 

Une autre piste moins dramatique

 

Il y a donc bien des siècles, et selon l’abbé Baurein, on pouvait trouver des corps dans ce petit ruisseau niché dans des paysages bucoliques. Fait avéré ou légende ? Il existe d'autres pistes autour de la genèse de cette appelation. 

Docteur en géographie historique, spécialisée en toponymie, Bénédicte Boyrie-Fénié défend une toute autre version. "Gât" serait basé sur l'hydronyme "wad", du latin "vadum" qui donne "gué" et donc cours d'eau en français. Dans sa traduction gasconne, guat ou guà pourrait ainsi être introduit dans "Gât Mort" pour caractériser un cours d'eau sans courant, et non un "chat mort".