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Belin-Béliet : le long de la piste cyclable, le souvenir douloureux des paysages perdus

Par Corentin Barsacq

À gauche, de jeunes pins calcinés. À droite, une parcelle rasée après le passage des flammes./Photo LB
À gauche, de jeunes pins calcinés. À droite, une parcelle rasée après le passage des flammes./Photo LB

L’accès à la piste cyclable Belin-Béliet – Hostens est désormais possible après d’importants travaux forestiers menés dans le but de sécuriser la traversée de la forêt calcinée. Mais à chaque coup de pédale défile le souvenir des paysages aujourd’hui disparus.

 

C’est donc à ça que ressemblait la lande immortalisée par Félix Arnaudin. Cette lande que l’on croyait ne jamais revoir au profit de la sylviculture s’est imposée de force à nos yeux, et accompagnera notre regard durant de nombreuses années. Sous un soleil permettant au mercure de monter jusqu’à 14°C ce samedi 11 février, on a enfourché le vélo Cazenave pour prendre la direction de la piste cyclable reliant Belin-Béliet à Hostens.

 

Une habitude pour certains cyclistes du dimanche qui profitent de l’occasion pour s’offrir un bol d’air frais revigorant. Mais il n’en sera rien. Au départ de Bertrine, passé la maison Ducourneau, les silhouettes frêles des jeunes pins brûlés apparaissent. Et forcément, le premier souvenir du panache de fumée dévorant l’horizon rejailli. Ici, la lutte des soldats du feu fut intense et si l’on ne veut pas y penser, la réalité s’impose à nous. On pédale pour changer d’air, pour s’évader le temps d’une escapade onirique et se nourrir de l’énergie du pignada, mais l’odeur du cramé est toujours là.

 

"Souvent, ici, il y avait des biches qui traversaient" 

 

Alors on continue le chemin, pensant naïvement que certaines parcelles ont été épargnées par une brûlante tragédie. Par chance, de grands pins ont semble-t-il résisté, mais contemplent, de leur hauteur, un funeste paysage. Certes, il ne le serait pas si nous n’avions connu que lui. De grandes étendues aux sensibles reliefs, que les bergers disparus ont longtemps exploitées pour y pratiquer l’agropastoralisme. Mais il est difficile d’imaginer de la vie en ces lieux.

Des paysages qui se répètent au fil des kilomètres./Photo LB
Des paysages qui se répètent au fil des kilomètres./Photo LB

« Souvent, ici, il y avait des biches qui traversaient » explique Céline, en balade avec ses deux enfants. Si la rencontre avec le gibier est toujours sporadique, il est vrai que l’on ne croisera ni chevreuil, ni lapin tout au long de la traversée. Quelques kilomètres nous séparent du quartier de Joué. Les quelques maisons situées en bordure de la piste cyclable sont encore là, mais on se le demande : « Comment les pompiers ont-ils pu les sauver quand les alentours ont tous été engloutis par le brasier ? »

 

Au loin, se dessine la tour d’observation des sapeurs-pompiers. Cette même tour qui, il y a six mois, se retrouvait encerclée par de gigantesques flammes dont les images ont fait le tour du monde. Réfractaire au changement, l’ancienne gare de Joué, si belle et préservée, est intacte. Mais avant de s’arrêter à son pied, il a fallu ralentir lorsqu’une motte de terre aurait pu faire chavirer le Cazenave. Elle n’est que le fruit d’une activité intense en forêt.

 

Intense, la circulation le fut également aux abords de l’étang du quartier. Si paisible en apparence, il a pourtant transpiré lorsque les flammes sont venues grignoter sa berge dans la nuit du 9 au 10 août. Le lendemain, il apportait son aide précieuse aux bénévoles de Joué qui ont enchaîné les va-et-vient afin de remplir les cuves pour ensuite alimenter les camions rouges.

Une halte à l'étang de Joué, précieux réservoir des bénévoles de Joué durant l'incendie./Photo LB
Une halte à l'étang de Joué, précieux réservoir des bénévoles de Joué durant l'incendie./Photo LB

En repartant en direction de Belin, des enfants ont dessiné quelques dessins à la craie. L'un des bambins est encore tout jeunot mais devrait pousser plus vite que les premiers pins qui seront replantés. Mais qui sait, peut-être qu’il dessinera sur l’asphalte, la silhouette grandissante d’une forêt retrouvée, d’ici quelques années.