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Lugos : derrière la Pierre du Diable, un pacte avec la main de l’Enfer

Par Corentin Barsacq

La main du diable reste un mystère dans le Val de l'Eyre./Photo LB
La main du diable reste un mystère dans le Val de l'Eyre./Photo LB

Sur la butte de Montespiou, qui surplombe l’autoroute A63 à Lugos, une mystérieuse pierre fascine la population locale depuis plusieurs siècles. En cause, une main incrustée dans le bloc serait celle du diable… On vous dit tout sur cette légende tenace. 

 

Longtemps, la pierre du diable est restée seule, dans une quiétude que l’on croyait éternelle, préservant ainsi ses mystères dans la forêt de Lugos. Le vacarme de l’A63 aura changé la donne. Comme les milliers de camions qui défilent chaque jour à quelques centaines de mètres d’elle, la légende de la pierre du diable a fait du chemin. Car sur la butte de Montespiou, la pierre fendue en trois parties suite à de récents travaux forestiers est creusée d’une main qui intrigue. La légende l’attribue au diable et le récit se raconte à la nuit tombée. 

 

La regrettée conteuse locale Eliette Dupouy connaissait l’histoire sur le bout des doigts. Cette main n’est autre que le fruit d’un pacte entre un homme paresseux et le diable en personne. Cet homme, qui préférait se reposer plutôt que de travailler, le répétait sans cesse : « Pour avoir de l’argent, je vendrais bien mon âme au diable ». Alors forcément, ce dernier ne s’est pas fait prier pour se manifester. C’est dans un feu de cheminée que Satan serait apparu au paysan de Lugos : « Si tu veux de l’argent, trouve-toi demain à la première heure entre Belin et Lugos, au pied d’une grosse pierre » lui dit alors la créature. 

 

Des phénomènes inexpliqués

 

Le lendemain, l’homme prenait la route de Montespiou et fut rejoint par le diable. Le maître de l’enfer lui déposa des pièces d’or sur la pierre et y plaça sa main : « Il existe encore la trace de sa main ainsi que le trou fait par les pièces d’or qui sortaient toutes chaudes de l’enfer » expliquait Eliette Dupouy. « Je t’en donnerai tous les premiers jours de la pleine lune. Pour cela, il faudra que tu m’obéisses, je vais te rendre invisible et tu auras besoin de faire le plus de mal possible » ordonnait le diable. 

 

La Pierre du Diable photographiée par Felix Arnaudin/Crédit photo DR
La Pierre du Diable photographiée par Felix Arnaudin/Crédit photo DR

C’est alors que plusieurs faits se manifestent dans la vie paysanne de Lugos. Les femmes qui se rendent au lavoir se plaignent maintes fois de retrouver leur linge plein de terre et leurs brouettes chavirées, tandis que les hommes chutent à de nombreuses reprises. Quant aux pêcheurs du pays, de gros moustiques venaient régulièrement les attaquer. Pour la population, cela ne fait aucun doute, tout cela n’est autre que l’œuvre du diable. 

 

Un témoin du passage de Charlemagne 

 

À la mort du serviteur de l’Enfer, certains villageois affirmeront avoir observé de gros moustiques jaillir de la tombe du défunt. Des moustiques appelés « Becuts » et qui, d’une certaine façon, venaient attester de ce funeste pacte avec le diable. 

 

Une autre légende, attachée à l’ancien roi des francs Charlemagne, est encore aujourd’hui évoquée. La pierre serait ni plus ni moins qu’une preuve du passage de Charlemagne en ces lieux. C’est l’hypothèse qui a été formulée par Abel Villetorte, qui fut adjoint au maire de Salles. Pour lui, la pierre aurait été installée ici en 788, date à laquelle le compagnon de Roland de Roncevaux, Olivier, avait été tué. Le monolithe marquerait ainsi son tombeau et Charlemagne, de passage dans les Landes de Gascogne, aurait apposé son seau sur la pierre. 

 

Une théorie que l’on retrouve également du côté de Mons, à Belin-Béliet, où la croix des Pèlerins est assujettie à cette même croyance. D’autres hypothèses ont été formulées par des érudits et hommes d’église. Culte datant de la préhistoire ? Mégalithe servant à y faire des sacrifices ? Quoi qu’il en soit, d’autres pierres, d’une envergure semblable à celle du diable, ont été retrouvées en 1925 dans les environs de Montespiou, sous la houlette de Ferdinand Bertruc. 

 

Un moulage et des questions qui subsistent… 

 

Comme bien d’autres monuments du Val de l’Eyre, la pierre du diable avait attiré la curiosité de l’historien émérite Jean-Louis Brouste, qui avait alors procédé à un moulage de la main du diable. Cette dernière apparait bien plus grande dans le moule, que celle que l’on peut encore observer aujourd’hui. 

Le moule de la main du diable réalisé en 1976, lors d'une exposition des Amis du musée Lapios. /Photo LB
Le moule de la main du diable réalisé en 1976, lors d'une exposition des Amis du musée Lapios. /Photo LB

De quoi susciter des questionnements, et même de profondes certitudes chez certains habitants de Lugos. La pierre du diable aurait été volée, et le monolithe présent sur la butte serait une copie. Rien ne peut pour autant l’attester. Seule certitude, la pierre du diable a déjà fait couler beaucoup d’encre, et continue d’intriguer les promeneurs du coin.