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À Belin-Béliet, un tourisme malsain près des maisons calcinées

Par Corentin Barsacq

Au moins trois voitures se sont arrêtées devant cette maison lundi matin, alors même que les propriétaires étaient présents sur place./Photo LB Corentin Barsacq
Au moins trois voitures se sont arrêtées devant cette maison lundi matin, alors même que les propriétaires étaient présents sur place./Photo LB Corentin Barsacq

Depuis la réintégration des populations dans les zones sinistrées par l’incendie de Saint-Magne, les habitants sont nombreux à découvrir, avec stupeur, les paysages calcinés hérités des flammes. Mais les va-et-vient autour des maisons brûlées laissent un goût amer aussi bien du côté des riverains que des élus. 

 

Les messages se multiplient sur les réseaux sociaux ces derniers jours, alertant de ce phénomène dérangeant. Habituellement, la route de l’Ameliet n’enregistre pas un flux de voiture élevé. Seuls les riverains l’utilisent, offrant par ailleurs au quartier de Joué un calme constant. Mais depuis le passage des flammes dans le quartier, la quiétude semble désormais lointaine pour les habitants. Si ces derniers se sont habitués à vivre avec les sapeurs-pompiers encore sur place afin de veiller sur les fumerons, ce ne sont pas les camions des soldats du feu qui interrogent, mais des voitures bien trop nombreuses depuis la réintégration des populations dans les villes sinistrées. 

 

Lundi matin, dans ce même quartier, Céline Cougouilhe et Alexandre Dupouy étaient présents au pied de leur maison, qui a été ravagée par les flammes dans la nuit du 9 au 10 août dernier : « En l’espace de quelques heures, on a vu trois voitures s’arrêter devant nous pour regarder la maison » regrette Alexandre. « Que font les personnes à venir voir le malheur des gens qui ont tout perdu route de l’Ameliet » s’interrogeait quant à lui un internaute sur un groupe Facebook dédié aux habitants de Belin-Béliet. 

 

À l’office de tourisme, on demande à visiter les zones sinistrées

 

Ce phénomène n’est pas nouveau et porte un nom, le « dark tourism ». Comprenez le tourisme noir, appellation donnée à l’envie de visiter des zones liées à la mort, la souffrance ou encore aux catastrophes. Cela se vérifie d’ailleurs du côté de l’office de tourisme du Val de l’Eyre. « Quelques personnes demandent à visiter les zones sinistrées » affirment Virginie Chot et Pauline Pugnet, en charge de l’accueil des visiteurs à Salles. « Le feu n’était même pas fixé qu’un touriste anglais est arrivé à l’office avec son appareil photo en nous demandant s’il pouvait prendre des photos de l’incendie » relate Virginie Chot, quelque peu désabusée par ces demandes : « Certains nous demandent si on prévoit d’organiser des visites sur les zones sinistrées. On leur répond que ce n’est pas une zone de distraction. » 

 

Pourtant, les voitures sont nombreuses à s’arrêter devant les constructions détruites. Contacté par nos soins, le maire de Belin-Béliet Cyrille Declercq déplore ces comportements : « Ce n’est malheureusement pas surprenant et c’est très malsain. Je pense qu’il faut respecter les riverains et les difficultés qu’ils rencontrent. Il n’y a pas de spectacle à voir. » 

Le 16 août dernier, la préfète de la Gironde Fabienne Buccio prenait un arrêté d’interdiction temporaire d’accès au massif forestier sinistré des communes incendiées. Ainsi, il est stipulé que « la circulation et le stationnement des personnes et des véhicules avec ou sans moteur sont interdits sur les pistes forestières, chemins ruraux, chemins d’exploitation, pistes cyclables et autres sentiers ouverts au public dans les massifs ». 

 

« Se gargariser de la misère des autres » 

 

Pour le maire de Belin-Béliet, qui a refusé de divulguer les adresses des maisons sinistrées à des hordes de journalistes tout au long de l’incendie, le constat est glaçant : « Que voulez-vous faire lorsque ces touristes sont sur la voie publique ? On ne peut pas les empêcher de circuler hormis en forêt sinistrée. Mais c’est quelque chose qui me dépasse. Déjà, une habitante avait appris le sinistre de sa maison en regardant les images de BFM TV dès le matin suivant la destruction de sa maison dans l’incendie. Dans ce genre de situation, il faut avoir un minimum de savoir-vivre. Dans le cas contraire, cela s’appelle du voyeurisme. »