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Histoire : en 1945, la chenillette Citroën de Salles piégée dans l'enfer des flammes

Par Corentin Barsacq

La Citroën P17 Kegresse est préservé dans les ateliers de la mairie de Salles./Photo LB Corentin Barsacq
La Citroën P17 Kegresse est préservé dans les ateliers de la mairie de Salles./Photo LB Corentin Barsacq

Le 21 juillet 1945, à Salles, un incendie d'une ampleur rare dévastait les forêts du Val de l'Eyre. Deux soldats du feu de Belin-Béliet y perdront la vie. Si l'évènement reste aujourd'hui méconnu, la chenillette Citroën P17 Kegresse de Salles est là pour témoigner de l'enfer des flammes. 

 

Article publié dans La Dépêche du Bassin. Juillet 1945. L’occupant allemand quitte les campagnes, la vie reprend son cours mais les forestiers doivent redoubler d’efforts pour refaire une santé aux Landes de Gascogne. En cause, la pénurie d’essence durant l’Occupation a lourdement impacté l’entretien des forêts. Les ouvriers retournent donc dans leur environnement de travail avec de nouvelles techniques. L’une d’elle fait débat : le tracteur à gazogène. Inventé au XIXe siècle, le gazogène est un appareil qui produit un gaz combustible et permet d’alimenter des moteurs à explosion classiques ou encore des chaudières. 

 

1945, l’autre « grand incendie »

 

Le 21 juillet 1945, à Salles, un forestier usait de cet engin afin de nettoyer une parcelle de pins. Une étincelle vint alors enflammer la broussaille et rapidement, un déferlement de flamme se propageait dans les pinèdes sallois puis dans le Val de l’Eyre. Un gigantesque front de feu s’étendit rapidement d’Est en Ouest avant d’atteindre Lugos et Belin.

 

Le tocsin retentit dans les trois communes et la population part dans un incontrôlable brasier. À l’époque, les moyens de lutte sont dérisoires. Face à l’ampleur de l’incendie, les pompiers décident d’allumer un contre-feu afin d’éteindre le foyer principal mais la manœuvre s’avère inefficace. Pire, elle entraînait un second brasier avivé par d’impitoyables bourrasques de vent. Dans la Haute-Lande, les communes d’Ychoux, Liposthey et Saugnac-et-Muret sont également en alerte. Plusieurs feux se rejoignent sur les terres des Landes-Girondines. Les pompiers de Bordeaux sont appelés en renforts. 

 

Localement, les pompiers disposent néanmoins de moyens plutôt modernes pour l'époque. La chenillette Citroën P17 Kegresse incarne alors un moyen d'intervention performant. Historien émérite sallois, Serge Martin raconte l’histoire de ce véhicule emblématique : « La ville l’avait acheté en 1934 sur les recommandations du garagiste Gaston Villetorte. À l’époque, c’était le véhicule en vogue. En 1931, André Citroën avait organisé « la croisière jaune », un raid automobile reliant Beyrouth à Pékin avec ces chenillettes. » 

Photo LB Corentin Barsacq
Photo LB Corentin Barsacq

Hélas, les  sont impitoyables. Au volant de la chenillette, Raymond Villetorte, fils de Gaston, se retrouve encerclé par le feu et s'extirpe tant bien que mal de l'engin, plus tard ravagé par l'incendie. Plusieurs camions connaîtront le même sort.

 

Un véhicule retapé à neuf

 

Plus grave encore, huit maisons sont réduites en cendre. Les flammes laissent derrière elles du bétail calciné. Dans cet enfer, deux civils de Belin ayant rejoint la lutte périront. Au total, 10 700 hectares seront brulés : 4500 hectares sur la commune de Salles, 3842 sur Lugos et le reste du coté de Mons à Belin. 

 

Longtemps restée dans les garages des services techniques de la mairie de Salles, la chenillette Citroën P17 Kegresse avait été retapée dans le garage Villetorte. Une manière de préserver ce témoin des flammes. Déclassé, le véhicule ne sera pas réquisitionné en 1949 lorsque « le grand incendie  de Cestas coutera la vie à 82 hommes et ravagera plus de 52 000 hectares. Aujourd’hui, le véhicule est toujours gardé au sein des services municipaux.