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Après 46 ans de carrière, le lieutenant Christian Barsacq tire sa révérence

Par Corentin Barsacq

Entré à l’âge de 19 ans à la caserne de pompiers de Belin-Béliet, Christian Barsacq la quitte à reculons pour une retraite bien méritée. 

 

« Tu as mis du temps à vider ton placard, tu as repoussé le plus possible cette échéance inéluctable mais l’administration est implacable avec toi aujourd’hui et avec moi demain. Lulu, tu seras toujours chez toi ici et tu le sais. » Samedi matin, à l’extérieur du centre de secours de Belin-Béliet, une parole solennelle retentissait. Celle de Jean-Michel Plantey, lieutenant chef de centre s’exprimant pour saluer la fin d’une immense carrière. Face à lui se tenait le lieutenant Christian Barsacq, 65 ans, arrivé dans la maison à sa majorité, contraint de la quitter par la force de l’âge. Mais de ce gamin à la vingtaine fougueuse demeurent une moustache reconnaissable entre mille et d’impérissables souvenirs.

 

Après 46 années passées entre les murs de la caserne de Belin-Béliet, le lieutenant Christian Barsacq a vidé son placard. « Demande à un aveugle s’il veut voir » nous répond-il au moment de le questionner sur son envie de poursuivre. Mais l’heure est venue de rendre le casque. En 2011 déjà, il avait officialisé sa fin de carrière professionnelle. Un repos seulement temporaire pour celui qui était de retour quelques semaines plus tard en tant que pompier volontaire : « Je n’ai pas pu m’arrêter. C’est l’amour du métier ! » 


La mécanique, l’origine d’une vie dans les flammes


En guise de planche de salut, le lieutenant aura désormais tout le temps de se consacrer à la mécanique, sa passion originelle. Un premier amour pour les moteurs capricieux, un premier job à travers le cambouis mais des premiers regrets. Amené par son métier à intervenir sur de graves accidents pour dégager les carcasses de véhicules, l’adolescent de l’époque arrive trop tard. Pour pallier son impuissance face aux drames de la route, il décide de s’engager : « Je voyais beaucoup d’accidentés alors j’ai voulu aider autrement. » Le 1er avril 1975, à l’âge de 19 ans, « Lulu » répond à l’appel du tocsin et devient sapeur deuxième classe.

 

Deux ans plus tard, il est pompier professionnel et connait ses plus belles adrénalines, ses premières peines, ses interventions marquantes : « On est resté pendant quatre jours dans l’incendie du Porge en 1989 » se souvient-il alors que 3500 hectares de pins avaient brûlé ce jour-là. Les flammes, c’est son domaine. Toujours prompt à jouer les casse-cous, à franchir les fossés pour aller au cœur du brasier, Christian Barsacq a connu une dernière frayeur cet été, dans l’incendie du Tuzan : « On a eu chaud. Le camion est tombé en rade au mauvais moment. Heureusement que l’on avait encore de l’eau dans le véhicule. » 


Une carrière vécue en famille


Et si depuis 2011, Lulu avait fait de la mécanique poids-lourd son domaine de prédilection à la caserne, il n’était jamais trop loin pour tester les nouveaux véhicules d’intervention du Service Départemental d’incendie et de secours (SDIS) : « J’étais en charge de tester les nouveaux camions en forêt mais aussi sur la Dune du Pilat. Et j’étais formateur de conducteur tout-terrain. » Point d’orgue d’une carrière bien remplie, le bonheur d’avoir pu la partager en famille. Christian aura vu son frère Jean-Luc le rejoindre pendant des décennies dans cette aventure, tout comme son Florent, son fils : « Ça a été un honneur et une fierté. Il a hérité de cette passion. » 

Pas avare de compliments à l’égard d’un visage bien connu dans le canton, Jean-Michel Plantey reconnait en Christian Barsacq « un homme dont on ne peut se passer. » Son discours tout en métaphore en témoigne : « Lulu, le 02 janvier à 00h01 le drapeau à damier s’est agité et à définitivement marqué la fin de ta longue carrière. Ce couperet de tissu, agité par la limite d’âge annonce une fin de course endurante de 46 ans. Tu es un homme, capable d’occire quand on égratigne les siens mais incapable de maudire quand après un service rendu aucun merci ne vient.  Un homme dont on ne peut se passer mais malheureusement c’est le temps qui l’a décidé.  Lulu tu seras toujours chez toi ici et tu le sais. Merci encore pour ce que tu as fait et ce que tu es. »

 

Avec abnégation, courage et un certain franc-parler, Christian Barsacq part donc de la caserne après avoir connu tant de grades. Sapeur, caporal, sergent, adjudant et lieutenant pour finir, il aura connu cinq chefs de centre différent. Si le « bip » des pompiers ne résonnera plus dans la maison, nul doute qu’il ne sera jamais très loin de ses camions, en alerte comme au premier jour, lorsque les panaches de fumées jailliront dans le ciel.